ESST Encéphalopathies subaigües spongiformes transmissibles


Docteur Philippe WASSER
F-67600 Sélestat
Décembre 2001

Intérêt
Très peu de cas. Inquiétude générale.
Physiopathologie et épidémiologie particulières. Déterminisme infectieux et génétique. Transmissibilité pour les formes sporadiques, infectieuses ou génétiques. Théorie de la protéine infectieuse de Prusiner.
ATNC : Agent transmissible non conventionnel ou prion.
Polymorphisme biallèlique du codon 129 codant soit Valine, soit Méthionine.

 

 

Nosologie
Maladie de Creutzfeldt-Jakob
: description en 1920 par Creutzfeldt et en 1921 par Jakob. En 1922: maladie de Creutzfeldt-Jakob .

MCJ sporadique (80%)
Maladies à prions génétiques (10-15 %)
Mutations ; Les variations génotypiques sont associées aux variations phénotypiques. L'étude du gène PRNP, codant la protéine prion, permet d'identifier les différentes formes : >20 mutations connues.
MCJ, GSS, IFF.
Maladies à prions à forme infectieuse
MCJ iatrogène : traitement par l'hormone de croissance extractive, greffe de dure-mère, de cornée
Kuru.
vMCJ (agent : ESB).

 

 

 

Agent étiologique et physiopathologie

Aucun agent infectieux conventionnel n'a été mis en évidence mais seulement des anomalies de protéines de l'hôte : l'accumulation d'un isoforme de la protéine PrP dit prion est proportionnelle au titre infectieux. Le Prion est résistant à la protéinase K qui est l'enzyme régulatrice de la PrP. La séquence en acides aminés est la même pour la PrP normale et son isoforme pathologique. Le gène de la PrP est localisé sur le bras court du chromosome 20. La PrP est synthétisée dans le réticulum endoplasmique et exprimée à la surface de la membrane cellulaire où durant 5 heures elle joue le rôle de récepteur ou de molécule d'interaction avec la matrice extra-cellulaire avant son internalisation. Prion : changement de structure tridimensionnelle responsables d'acquisitions physico-chimiques nouvelles et notamment d'une résistance à la protéinase K empêchant sa destruction et expliquant son accumulation.
Selon l'hypothèse du prion infectieux, la protéine PrP modifiée ou Prion aurait le pouvoir, par contact direct et avec le concours probable de molécules " chaperonnes " de changer la structure tridimensionnelle de la PrP normale, pour lui faire acquérir une résistance à la protéinase K: modification au moment de l'internalisation de la PrP ce qui entraîne de proche en proche un changement de structure de la PrP nouvellement synthétisée entraînant ainsi une accumulation dans le cytoplasme des neurones et ainsi leur destruction. Il y a dégénérescence au niveau du système nerveux central, une spongiose par disparition progressive des cellules nerveuses.
L'hypothèse du prion infectieux n'est pas confirmée: la PrP anormale est elle un agent infectieux ou un composant associé à celui-ci ?
La protéine prion ou protéine du prion ou PrP: protéine synthétisée par tous les mammifères codée par un gêne unique. Le rôle réel est inconnu.
PrPc: protéine prion cellulaire native dans les cerveaux sains.
PrPsc: associé à la scrapie.
PrPSen: forme sensible aux protéases.
PrPRes : formes résistantes aux protéinases.

 

ESST animales

Tremblante (scrapie): petits ruminants.
Encéphalopathie spongiforme du vison TME: visons en captivité.
Maladie du dépérissement chronique : élans, cervidés.
ESB : maladie de la vache folle.
Encéphalopathie spongiforme féline: chats, félins.

 

Transmission entre espèces

Tremblante du mouton : 1732. Maladie des visons d'élevage et des cervidés aux USA. Maladie de Creutzfeldt-Jakob : 1920. Kuru : 1956.
Transmissibilité de la tremblante du mouton à la chèvre observée en 1936.
ESB apparue en 85/90. 1°cas d'ESB chez le chat Þmesures de protection internes vis à vis des abats de bovins en 1989. 1990 : 1°transmission expérimentale de l'ESB à l'espèce porcine par injection intracérébrale de cervelle infectée.
ESB: probablement à l'origine de l'épidémie actuelle. Rôle de l'alimentation des bovins par les farines animales. Mais il existe des incertitudes.

 

 

 

MCJ sporadique

85%, spontanée et aléatoire. Incidence : 1.4/M habitants, 40-50 cas/an en France. Habituellement Met/Met, codon 129 du gène de la PrP exprimant la protéine pathologique. Type 1 : 20 kd, type 2 : 18 kd. Formes glycosylées ou non glycosylées.
MM1, MM2, MV1, MV2, VV1, VV2.
Risque augmenté de 4 à 5 fois si homozygote MM, VV du codon 129 du gêne de la PrP par rapport à hétérozygote MV.
Le risque est plus élevé pour homozygote MM/VV.

Eléments fondamentaux: il s'agit d'une démence rapide, fatale, comportant des signes neurologiques: syndrome pyramidal, extrapyramidal, des myoclonies, comportant des paroxysmes périodiques à l'électroencéphalogramme, évolution fatale en quelques mois. Age de début : 55-75 ans ans (sauf VV1 : 27 ans), autant d'hommes que de femmes.

EEG : périodicité : activité périodique diphasique de moins de 4 s. Initialement cet aspect peut être asymétrique ou diffusant de façon généralisée ou loco-régionale, permanente ou intermittente au début de l'évolution, majoration aux stimulations visuelle ou nociceptives..
LCR: possibilité de discrète hyper protéinorachie : 0,5 à 1 g/l, augmentation des leucocytes positivité de la protéine 14-3-3 : précoce, sensibilité de 96 % et spécificité cde 99%, sauf forme MV2. NSE: spécificité à 95 %. Faux positifs: encéphalopathie thyroïdienne de type Hashimoto.
Imagerie : Scanner : normal ou atrophie cortico-sous corticale. IRM : normale ou hypersignaux symétriques en T2 des ganglions de la base (Noyau caudé, putamen, pallidum, thalamus) et du cortex occipital, dans toutes les formes sauf à MM2.
Neuropathologie: spongiose, perte neuronale, gliose. Recherche de la Prp par immuno-histo-chimie et Western-blot et infectiosité toujours négatives en dehors du système nerveux central.

3 phases cliniques classiques
1. Phase prodromique: 35 % des cas, détérioration mentale ; 34 % des cas : signes neurologiques isolés ; 31 % des cas : association des 2. Syndrome cérébelleux, signes visuels, oculomoteurs, vertiges, ataxie, troubles sensitifs, mouvements anormaux, troubles psychiatriques : anxiété, dépression, insomnie et asthénie, anorexie. L'âge moyen est de 60 ans (16 à 82 ans) ; évolution en quelques semaines à quelques mois. 13% des cas : quelques heures à quelques jours.
2. Phase d'état : atteinte en quelques jours ou quelques semaines ou quelques mois: démence, myoclonies, syndrome cérébelleux, pyramidal, extrapyramidal, signes visuels (hallucinations et troubles oculomoteurs), troubles du comportement.
3. Phase de déclin et décès: état grabataire, délai moyen en 5 mois. 5 %: plus de 2ans.

 

 

 

 

 

 

 

EEG Normal.

Périodicité courte <4 secondes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MCJ génétique Transmission autosomique dominante

MCJ : 51 patients.plus précoce, âge de début 30-50 ans, évolution plus longue: 15-23 mois. mutations ponctuelles du codon 200 (35 cas), 208, 178, 123, 210.
I F F ( insomnie fatale familiale): 69 cas en 1998, mutation touchant le codons 178 du gène PrP. Age moyen 49 ans. La mutation entraîne l'IFF si le codon 129 correspondant à la Méthionine. Si la mutation correspond à la Valine: MCJ familiale. Évolution moyenne: treize mois.
GSS : Syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheincker. Mutation 102 ou 117. Moins de 20 familles et 80 cas publiés. Age moyen : 48 ans. Durée d'évolution moyenne: 59 mois. EEG : activité inconstamment pseudo- périodique. Perte neuronale, gliose astrocytaire, spongiose et plaques amyloïdes de type Kuru.

MCJ iatrogène

Traitements par l'hormone de croissance d'origine humaine (contamination entre 1983 et 1985, 150 cas), greffes de dure-mère (110 cas) ou de cornée infectées, défaut de stérilisation d'instruments neurochirurgicaux. 80 décès entre 1991 et 2001. 8 patients ayant reçu de la dure-mère d'origine humaine ont développé une MCJ entre 3 et 11 ans après l'intervention. Val/Val ou Met/Val. 1000 patients à risques adulte. Age moyen : 30.5 ans, 20 % de survie à plus de 2 ans. Se manifeste par des troubles de l'équilibre, un syndrome cérébelleux, des troubles visuels, évolution vers une démence et des myoclonies. EEG: périodicité inconstante, plutôt un ralentissement.

Maladie de Creutzfeldt-Jakob nouvelle variante

Affection neurodégénérative transmissible non contagieuse, incubation lente et silencieuse (moyenne : 5 à 10 ans ou même jusqu'à 60 ans), évolue très vite sans rémission vers le décès en 8 à 15 mois. Sujets jeunes de moins de 35 ans. 5 cas en France, 25 en 2000 en Grande-Bretagne. Initialement signes psychiatriques (hallucinations, dépression, troubles du comportement) puis signes sensitifs (paresthésies, dysesthésies), mouvements anormaux choréiques, myocloniques, syndrome pyramidal et cérébelleux, EEG non spécifique, LCR : protéine 14.3.3 , présente dans 50 % des cas de MCJ nouvelle variante. IRM : croissant thalamique (80 %). Génotype Met/Met du codon 129 du gène de la PrP
Diagnostic par biopsie cérébrale: plaques amyloïdes en marguerite de type Kuru.. Biopsie de l'amygdale : dépots de PrP anormale dans les cellules dendritiques des centres clairs des follicules lymphoïdes. Ces dépots sont également visibles dans les autres formations lymphoïdes du tube digestif et dans la rate. Sont présents plusieurs mois et parfois plus d'un an avant les signes cliniques.
Après contamination digestive, l'agent passerait dans le système lymphoïde digestif et général, gagnerait le tissu nerveux central par voie lymphatique, sanguine ou nerveuse périphérique. Pourrait emprunter le système nerveux entérique.
La souche PrP du prion ESB nouveau variant est différente de la MCJ sporadique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Diagnostic

Critères de Masters (1978) modifiés (Cathala 1979)
Signes cliniques et paracliniques

Cas possible: démence associée à au moins trois signes cliniques sans EEG caractéristique ou sans résultat connu EEG.
Cas probable : démence associée à au moins deux signes cliniques avec EEG caractéristiques.
Cas certain: démence associée à au moins un signe clinique avec un EEG caractéristique avec une preuve neuropathologique et/ou biochimique (présence PrP).
Signes cliniques: myoclonies, syndrome cérébelleux, troubles visuels, syndrome pyramidal ou extrapyramidal, mutisme akinétique.

Critères de Budka (1995) : prise en charge de l'étiologie.

Diagnostic de certitude
Les arguments cliniques, biologiques, par imagerie et biopsie d'amygdale, ne permettent qu'un diagnostic de MCJ possible ou probable.
Par biopsie ou de préférence par autopsie :
3 techniques combinées : examen neuropathologique classique, Immunohistochimie anti PrP, Western blot.
Lésions caractéristiques : spongiose du neuropile. Mort neuronale par apoptose. Gliose. Plaques amyloïdes à disposition radiaire de " type Kuru ".

Diagnostic prénatal et présymptomatique : possible dans un contexte d'atteinte familiale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Santé publique
Prévention de l'ESTT: trois niveaux :
1. Contrôle des sources de matériel biologique potentiellement infectieux: produits d'origine humaine ou animale, instruments en contact avec ces produits.
2. Maîtrise des techniques de purification des produits biologiques et de décontamination des instruments.
3. Prise en compte du caractère invasif de l'intervention médicale ou chirurgicale.

 

Agent responsable: résiste à la plupart des procédés classiques de décontamination. Chauffage stérilisation: grande résistance du prion à la chaleur (accumulation d'agrégats).

Procédure réglementaire française: traitement à l'eau de javel 6° chlorométrique ou à la soude normale pendant soixante minutes et l'autoclave à au moins 134° Celsius pendant au moins dix-huit minutes.
Deux formes de chauffage: chaleur sèche peu efficace, chaleur humide sous pression (trois bars) à 134-136°C durant plus de vingt minutes: efficacité pour stériliser les farines animales.

Circulaire ministérielle N° 138 du 1403/2001

 

 

Fiabilité des tests
Contamination per os : évolution trente à trente-deux mois à vers le cerveau. Les tests ne sont positifs que s'il y a suffisamment de PrP anormale: incertitude par rapport au test de dépistage de l'ESB chez les bovins de plus de trente mois.

Amélioration du diagnostic et de la prévention de la MCJ: I R M, test de dépistage: dosage de la PrP dans l'amygdale, le LCR, les leucocytes.

Réseau National de Surveillance de la MCJ et Maladies apparentées : créé en 1992. Programme européen de recherches épidémiologiques : euroCJD.
Depuis 1996 : déclaration obligatoire de toute encéphalopathie spongiforme. Constitution d'un réseau autonome de neuropathologistes. Recherche de la protéine 14-3-3 dans le LCR.
Cellule nationale d'aide à la prise en charge des MCJ :
Hôpital de la Salpêtrière
Tél : 01 42 16 26 26
Fax : 01 42 16 26 25

 

 

Perspectives thérapeutiques
Aucun traitement n'a fait la preuve de son efficacité.
Quinacrine : antiparasitaire, Mépacrine en France.
Expérimentation in vitro par l'équipe de Prusiner. Amélioration d'une patiente en Angleterre.Essai thérapeutique aux USA.
En France : ATU nominative possible pour toute MCJ probable, quelle que soit la forme.

 

 

APPROCHE DIAGNOSTIQUE ET CLASSIFICATION DES DEMENCES
Critères
diagnostiques de la démence
v DSM III (1980) : Démence.
v DSMIII R (1987) : .Alzheimer.
v DSM IV (1996) : Etiologies. Troubles cognitifs multiples, troubles mnésiques prépondérants, retentissement sur les activités professionnelles et sociales, déclin, perte des fonctions exécutives+/- confusion mentale, +/- troubles psychiatriques.
v CIM 10 (1992) # DSM IV > 6 mois.

Diagnostic différentiel
v Confusion mentale : critères DSM IV.
v Déclin cognitif lié à l'âge : Critères DSM IV. AAMI (age associated memory impairmentk Crook, 1984).
v MCI (mild cognitive impairment).
v Troubles mnésiques léger Troubles neurocognitifs légers : DSM IV.
v Troubles isolés d'une fonction symbolique.
v Dépression.

Etiologies des Démences
v Démence d'Alzheimer
1. Critères DSM IV : Noyau démentiel, évolution progressive et continue, sans autre orientation étiologique.
2. Critères NINCDS-ADRDA (1984): Détails cliniques et paracliniques, degrés de certitude diagnostique

v Démences frontotemporaIes.
1. Echelles de Lund et Manchester (1994) : Début : troubles du comportement, inertie ou désinhibition. Profil neuropsychologique : fonctions instrumentales relativement préservées, utilisation défectueuse de ces fonctions, troubles attentionnels. Neuro-imagerie morphologique et fonctionnelle : atrophie frontale. Age + précoce/Alzheimer.
2. Echelles de dyscomportement frontal de Lebert et Pasquier (1998).
3. Batterie rapide d'évaluation frontale de Dubois et Pillon (1997).

v Démences et troubles extrapyramidaux.
1. Démence à corps de Lewy. Critères de McKeith, (1996): Démence dégénérative progressive, troubles attentionnels, visuospatiaux et exécutifs de type sous-cortico-frontal. Fluctuations de l'état cognitif, hallucinations, syndrome parkinsonien, chutes. Signes d'exclusion. Diagnostic différentiel : Maladies de Parkinson, d'Alzheimer, Chorée de Huntington, démence cortico-basale, atrophie multisystématisée , paralysie supranucléaire progressive, démence vasculaire.
2. Démence cortico-basale.

v Démences et atrophies corticales focaIes progressives (Mesulam et Weintraub, 1992).

v Démences vasculaires
1. Critères diagnostiques : Démence, pathologie cérébro-vasculaire authentifiée, relation entre les deux.
2. Entités différentes : Démence par infarctus multiples (infarctus corticaux, infarctus lacunaires, CADASIL), infarctus unique ou peu nombreux, mal placés, ischémie de la substance blanche.
3. Critères et échelles : NlNDS-AIREN (1993), ADDTC (1992), ICD-1O (1993), DSM IV (1996), Loeb et Gandolfo (1983), Hachinski (1975).

v Etiologies diverses
Démence et SLA, hydrocéphalie chronique, démences post-traumatiques, éthyliques, endocriniennes, carentielles, infectieuses. métaboliques, SEP, CO, toxiques